La santé ce n’est pas seulement le système de santé. Le self-care a pris son envol ces dernières années et on ne peut plus l’ignorer. C’est d’abord le fait des politiques de prévention (rendons à César) : on jogge le dimanche, on a des rapports protégés, on mange cinq fruits et légumes par jour… Rajoutons à ça l’avènement des communautés de patients, dont certaines ultra-actives et expertes. Mais on ne peut négliger l’avènement du quantified-self : avec des niveaux de services hétérogènes certes, n’empêche que ces services ont contribué à une véritable prise de conscience du « soin de soi ».

L’individu est donc plus investi dans sa santé, du moins dans le périmètre « courir-manger-se mesurer-partager ». Au-delà de ce périmètre, théoriquement, l’individu est pris en charge. Sauf que, à y regarder de plus près, il existe des poches d’espace-temps dans lesquelles l’individu échappe au regard du système médico-social.

L’individu face à la prévention

C’est le cas pour la prévention. Quand il s’agit de prévenir des risques, vous êtes bien souvent seul porteur de conscience, et seul décisionnaire. Les adultes sont libres de se faire vacciner, et libres d’oublier ; libres de vérifier leurs grains de beauté, et libres de ne pas y penser ; libres de faire l’examen requis tous les 2 ans, mais y penseront-ils s’ils ne consultent pas le médecin traitant pour autre chose ? Hors un suivi régulier chez la femme, personne n’ira vous rappeler de faire un contrôle si vous n’y pensez pas vous-même (si vous en êtes préalablement conscient…).

Donc l’individu reste seul face à la prévention, sans compter que le terrain de la prévention s’élargit, maintenant que les maladies chroniques relèvent aussi de la médecine comportementale : l’hygiène de vie se décide et s’ajuste seul, également.

Ce terrain de la prévention est officiellement celui du médecin traitant ; mais celui-ci n’en a ni l’organisation ni les moyens : une facturation à l’acte, pas d’accord de rémunération sur la télémédecine ou la téléassistance, pas d’organisation libérale pour maintenir le contact hors cabinet avec les patients.

La prévention, au sens large : un domaine qui ne peut logiquement revenir qu’aux individus.

Le patient de retour à la maison

D’autres moments de la vie d’un patient échappent au système de santé. Le « retour à la maison » est un autre exemple. En suite de thérapie ou de chirurgie, le médecin traitant va gérer les effets secondaires, et la douleur dans certains cas. Pour le reste, le patient à la maison est seul : vie personnelle, anxiété, vie professionnelle... Ce n’est pas de la santé ? Nombre d’études ont montré que la qualité de vie était clé pour la récupération rapide.

Donner des moyens puisqu’on est seul

L’individu investit donc de fait tout un pan de la santé. Il l’investit comme il peut. Seul ou avec des communautés de patients. Si certaines communautés apportent une compétence réelle, la plupart se noient souvent dans un amas d’exemples personnels. Il se tourne alors vers des contenus et des avis. Mais qui a véritablement mesuré la valeur d’usage des forums ou des descriptions de pathologies et traitements ? Quels patients les utilisent et comment ? Mieux vaut brandir le nombre de pages vues.

N’est-il pas temps de donner au patient les moyens d’investir ces moments que le système délaisse ? Ici est l’avenir du patient empowerment : un transfert de connaissances et des systèmes pour agir seul, dans un avenir fait de prévention et d’ambulatoire. •