“Il y a une attente irréaliste sur quand et comment la santé mobile va se structurer. […] Nous sommes quelque part entre le sommet de l’effet de mode et l’abîme de la désillusion”. Patty Mechael, ancienne directrice executive de la mHealth Alliance.

Un marché des applis mobiles ?

Les projections sur la croissance du marché de la santé mobile donnent des frissons : selon les sources, on passe de 10 Mds€ en 2018 à 31 Mds$ ou même 49 Mds$ en 2020. Excitant, mais peut-on se fier à ces chiffres ? Les périmètres de ce que ces marchés inclut est bien flou : on comprend en lisant les méthodos que certains y incluent la télémédecine (téléconférences mais sur mobile, donc) ou la recherche sur un sujet de santé via mobile. On est loin des services de santé à proprement parler. Autre flou : les plateformes hospitalières accessibles via mobile sont-elles incluses ? Si oui, comment sont-elles valorisées (car le patient ne paie pas, c’est l’établissement qui fournit) ? Inclut-on les applications de récolte de données pour les programmes de recherche ?

Au final, en triant un peu, on comprend que ces marchés incluent essentiellement les applis de bien-être, les seules à proposer un début de modèle économique ; sauf que ces applis touchent l’essentiel de leurs revenus de la revente d’objets connectés. Alors, y a-t-il vraiment un marché des applis de santé ? Ou juste une ramification du marché des objets connectés ?

Même si on pense ici que le Self-care deviendra central, on se permet de douter de ces projections sur le « marché ». Clairement, les applis de santé n’ont pas encore trouvé leur modèle. On en compte 165 000 dans le monde, dont 17 000 en France. Et on sait qu’en France, le marché de la télésanté c’est 340 M€ essentiellement portés par l’hébergement, la vente en ligne et le consulting.

Donc pardon, mais il n’y a pas de marché des applis de santé. D’abord parce que ces applis sont conçues par des éditeurs et pour des individus. Un marché uniquement B2C qui, selon nous, arrive un peu en avance sur la réalité du patient empowerment.

Pas de marché sans service

Mais aussi parce que l’offre est de très faible qualité et n’a pas convaincu. Les chiffres publiés par DMD santé sont éloquents : 24% seulement des mApps déclarent avoir fait appel à au moins un professionnel de santé lors de sa conception. Quasiment aucune n’a fait appel à un patient. 40% n’indiquent pas à qui elles sont destinées. 18% citent leurs sources. 80% n’ont aucune CGU. 50% n’affiche aucune coordonnée de l’éditeur ou de contact. 60% recueillent des données, et 40% de celles-ci n’ont aucune information sur l’usage et le traitement de ces données. Au final, DMD santé en recommande 150 sur 17 000…

On sait aussi que les applis donnent des informations parfois contradictoires (pas le même nombre de battements de cœur d’une appli à l’autre). Les médecins ne leur font pas confiance et ne les prescrivent pas.

La santé mobile va se refonder

La mSanté telle qu’elle a existé jusqu’à maintenant ne devrait pas tenir la route. Les utilisateurs sont concentrés sur les applis de fitness, les autres sont éparpillés sur une myriade de services, et ne sont fidèles que les utilisateurs d’applis pour pathologies lourdes.

Alors y aura-t-il une santé mobile ? Oui c’est indéniable et on continue d’en attendre des bénéfices majeurs. C’est d’ailleurs une avancée qui continue d’être attendue par le corps médical.

Mais la santé mobile ne peut exister hors des écosystèmes de santé. Elle ne peut être conçue sans des compétences cliniques, sans être liée au soin, sans inclure les parties prenantes. La santé mobile sera la face émergée d’un service bien plus global. Bien anticipée, elle s’adaptera aux environnements et aux individus, offrira des standards fiables, et ouvrira la voie au réel empowerment. •